Démas m'a abandonné
- Jean Marck Konan
- 26 avr. 2018
- 3 min de lecture

Une triste nouvelle. Dans des conditions les plus douloureuses. Paul est dans les chaines. Dans les larmes. Une nouvelle fois. Comme hier, il est à nouveau Injustement accusé, pris à parti par une justice religieuse qui l’a condamné avant même de l’entendre. Mais au fond, pour sa défense, ils s’attendent à entendre les mêmes mots, le même zèle, la même foi. Ce qui leur parait un crime, c’est justement le fond de son message, cet évangile qui dérange. Qui heurte les mentalités, les raisonnements des plus instruits. Que l’on voudrait à tout prix raisonner à la lumière de l’intelligence humaine. Mais qu’il ne cesse, lui ancien pharisien, de crier sur tous les toits. Un traite, se disent-ils, qui mérite de mourir en prison.
Dans cette prison, dont il sait ne pas être la dernière, Il subit à nouveau les fouets qui lacèrent sa chair. Les insultes de ceux qu’il veut coûte que coûte amener au salut. Des moments d’affliction, de grande affliction qu’il a jusque-là pu supporter grâce aux prières des communautés mais aussi avec le soutien de ses collaborateurs. Tite, Timothée, Epaphras, Luc le médecin et aussi… Démas.
Démas son fils dans la foi. A qui il a appris les rudiments de la vie chrétienne. Et à l’endroit duquel il s’est évertué à enseigner le combat de la foi. Démas, un nom qui signifie « gouverneur du peuple ». Une personnalité qui est loin d’être un faux frère (Ga 2,4). Loin de là. Dès les premières heures, Paul rend de lui le témoignage d’un « compagnon d’œuvre ». Et si Paul le dit, c’est aussi parce que Démas a su montrer de la foi et de la vérité dans ses relations avec son père spirituel. Apprenant à supporter la faim et la soif. Les accusations et les persécutions. Le deuil et la joie. La passion du Christ. Jusque-là, Démas a su tenir bon. Mais pas pour longtemps. Pas jusqu’à la mort. Car Les souffrances liées à la croix s’avèrent trop pénibles. Et l’existence chaque jour encore plus périlleuse. Démas ne le sait pas. Mais Dieu éprouve sa fidélité dans sa durée, dans sa profondeur. Et ce test, comme pour tous, est celui devant lequel l’on échoue le plus souvent. Démas aussi. Il est un homme lui aussi. Mais oubliant la vie intérieure dont il a été oint. Le siècle présent a trop d’attraits, qui ne sont pas que l’impudicité, la corruption, et toutes ces œuvres de ténèbres qu’on connait tous. Il y’en a de plus subtil. A l’instar de ceux que le diable a présenté au Seigneur. Des attraits plus silencieux : le désir de se construire un avenir qui finit par prendre le pas sur notre intimité. Les opportunités financières qui finissent pas faire de nous de fins calculateurs. Le désir du mariage qui nous obnubile si bien qu’on en est totalement immergé. Le travail qui nous occupe tellement qu’on finit par en devenir esclave. L’amour du siècle. Si fort. Si tenace. Si ravageur. Si subtil. Si cohérent et logique pour qu’on voit le danger venir. Démas a beau être un compagnon d’œuvre, il ne veut continuer le même chemin que Paul. Peut-être, se dit-il « Je ne suis pas un appelé ». De vils raisonnements qui nous perdent. Qui nous enfoncent dans le couloir de l’enfer.
Insidieusement, le désir de « gouverner le peuple », de s’affairer des choses de cette vie prend le dessus. Et c’est l’abandon. Un abandon qui tombe au mauvais moment. D’ailleurs aucun moment n’est souhaitable pour un abandon. Un abandon que l’apôtre vit comme une douleur terrible. Son aveu : Démas m’a abandonné. On peut y lire tout la peine. On peut y voir tout le désarroi de l’apôtre des gentils. Des mots qu’il a sans doute pesé et révèle en profondeur tout l’amour qu’il n’a de cesse porté à son ancien compagnon d’œuvre.
Démas ou l’épreuve de notre foi dans le temps.
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