Ici, c'est Abidjan !

Ici, c’est Abidjan. Abidjan, la perle. La perle des terreurs. De toutes les peurs. Là où règne sans merci la loi de l’inconscience. La loi des microbes. De ceux qu’on voudrait à tout prix appeler « enfants en conflit avec la loi ». Mais qui le savent. Ni enfants ni en conflit avec aucune loi, ils ne le sont. Car un enfant ne saurait tuer de sang-froid. Ni la loi enjoliver le nom d’un criminel. Ils sont certes en conflit. Mais en conflit avec la vie. La vie des autres. De tous ceux qu’ils rencontrent. De tous ceux qui ont le malheur d’arpenter leur chemin. Et qui sont devenus leurs proies. Le sujet de leurs exploits. Hommes ou femmes. Enfants ou vieux. Civils ou militaires. Victimes malheureuses un jour de leurs sataniques cruautés. Prises au piège de leurs stratagèmes de mendicité ou de bagarres simulées.

Ici, c’est Abidjan. Là où leur histoire a commencé. Un certain après 2011. Où le recours aux armes et à la barbarie n’avait plus aucune limite d’âge. Et où pour avoir bravé la mort pendant la crise, certains s’étaient vu devenir des invincibles. Après avoir été des invisibles. Des dieux. A qui l’on ouvre sans frapper. Qui reçoivent sans demander. Qui trouvent sans chercher. Des immortels qui peuvent ordonner avec le langage des armes et se faire obéir sans attendre. Malheur à qui essaie de leur résister.

Ici, c’est Abidjan. La perle des fumoirs. Des endroits mal famés. Des zones interdites aux non-initiés. Là où le génie du mal l’emporte sur celui de la raison. Là où s’élaborent les plans et se planifient les attaques et les meurtres. Là où l’on se livre aux trafics de tous genres. Drogue, sexe, alcool, magouilles… Là où les plus faibles, les sans revenus, les enfants de la rue, sont appelés à trouver des gîtes pour finir en monstres. En montres froids. Là où la vie humaine passe du sacré au banal. Adjamé, Attécoubé, Abobo, Port-Bouët, Yopougon, Koumassi… De véritables greniers de microbes. Qui pullulent comme des champignons. Puent la mort. Au vu et au su de tous. Incapables ou complices.

Ici, c’est Abidjan. La perle de la désolation. Où la vie s’est arrêtée. Presque. Elle ne tient plus qu’à un fil. Un seul. Celui de la grâce ou de la chance. C’est selon. Rentrer tôt chez soi n’est plus une garantie. Etre de nuit, encore plus risqué que jamais. La peur ne cesse de grandir. Le phénomène ne fait que s’amplifier. Laissant çà et là des familles dans la douleur. Des vies sans avenir.

Ici, c’est Abidjan, la perle. La perle qui ne brille plus. Qui n’attire plus. Parce que les microbes l’ont ainsi décidé. Non seulement eux, mais aussi les épisodes d’insécurité qui ne font que se succéder à tour de rôle. Oui, ici, c’est Abidjan. Et les nouveaux maîtres de la terreur, ce sont les microbes, ces impitoyables esprits venus habiter des corps humains. Qui continuent d’écrire leur légende en attendant que l’opération épervier 3  les neutralise et exorcise enfin la ville de tous ses démons.