Simon de cyrène
- Jean Marck Konan
- 30 avr. 2018
- 3 min de lecture

Il vient d’Afrique. Plus précisément de la Libye. L’ancienne Libye. Colonie grecque et prospère. Et c’est un parfait inconnu de toute l’histoire de la bible. Seuls quelques versets l’évoquent (Mt 27,32 ; Mc 15, 21 ; Lc 23, 26). Une apparition soudaine. Une disparition tout aussi soudaine. Et pourtant, il laissera là, sur le chemin qui mène à Golgotha un souvenir qui reste impérissable. Lui, c’est Simon. Mais pas ces Simon dont on a toujours eu l’écho : Simon le prophète, Simon Pierre, Simon frère de Jude, Simon le lépreux, Simon le pharisien, Simon le tanneur. Non, lui c’est Simon, Simon, peut-être un juif hélléniste, peut-être un africain de souche, lui c’est Simon de Cyrène.
L’histoire du Christ, il n’en est pas étranger. Tout Israel en a parlé : Qu’on l’aime ou pas, son amour envers les oubliés a traversé les villes, depuis Nazareth jusqu’ici à Jerusalem. Et Simon a dû en entendre sans doute parler. Il a dû se faire sa propre opinion de ce Sauveur de l’humanité. Mais sa vie à lui est faite de labeur. Il n’a pas le temps de se répandre dans la polémique du « qui dit vrai ». D’ailleurs son opinion importe peu, Il est de Cyrène. Et cela devrait lui suffire pour daigner « laisser à César ce qui est à César ». Depuis la veille au matin, il a certainement dû se rendre compte de ce tumulte au sujet de l’arrestation de Jésus. Mais même s’il le veut, il ne peut rien y faire. Il prend le chemin des champs. Une journée sans doute épuisante. Une lutte acharnée avec la terre pour espérer en tirer des fruits. Et pour lui et pour sa famille. Il peut alors rebrousser chemin. Sur le chemin du retour, Il est sans savoir que son chemin ce jour croisera celui d’un autre. Et qu’il deviendrait participant des souffrances de sa Majesté. Ce n’est peut-être pas par choix. Car avant qu’il ait le temps de récupérer de sa longue journée, la croix lui est imposée. Il doit la porter. De gré ou de force. Entre mille, le sort a voulu que ce soit lui, l’homme de Cyrène qui ait à porter ce si lourd fardeau, cette responsabilité.
Au-delà du fardeau, Simon le sait. C’est un privilège. Et intérieurement, il peut s’en réjouir. Devenir participant des souffrances de cet homme hors du commun est une grâce. Car même Pierre le zélé n’a pas pu se l’offrir. Son test à lui, il vient à peine d’y échouer. Trois ans d’apprentissage avec au bout un reniement des plus inattendus. Son test à lui Simon est là. Porter cette croix ou raisonner. Porter tout comme le Christ cette honte ou se fondre dans la nature ou le peuple. Il fait son choix : par peur de représailles des soldats ou par compassion, lui seul le sait. Mais toujours est-il qu’il se saisit de la croix. De cet énorme bois sur laquelle l’on devient malédiction en y étant pendu. Sans broncher ni murmurer, il la supporte dans sa chair, laissant ployer son dos mais aussi son être et devient ainsi participant des souffrances du Christ. Vers Crâne, ce lieu au nom redoutable, il croit s’avancer. Mais chaque pas qu’il fait, chaque force qu’il met en mouvement le dirige lui vers le salut, le sien, celui peut être du premier étranger, peut-être même du premier africain sauvé par le Christ. La Bible n’en dira pas plus. Elle en assez dit. Assez pour inscrire Simon de Cyrène au panthéon des hommes des derniers instants du Christ. Lui qui quelques minutes auparavant était un parfait inconnu, un homme d’entre tant d’autres. Le Christ le révèle ainsi au monde entier. Et son acte parlera si fortement qu’elle profitera à sa progéniture (Ro 16, 13) .
Simon, un homme, une histoire qui a trouvé le chemin du Christ, au sens propre comme au figuré. Bonne fête de Pâque.
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