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Dans l'enfer du monde du travail

  • Photo du rédacteur: Jean Marck Konan
    Jean Marck Konan
  • 1 mai 2017
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 mai 2018



Les abus, il en existe sous toutes les formes dans la société. Abus de droit, abus de pouvoir, abus de confiance, abus de faiblesse, abus de biens sociaux, abus sexuels, abus faits aux mineurs, abus faits aux femmes… Le monde professionnel connaît aussi son lot d’abus. Des abus qui sont vécus dans le plus grand silence au prix d’un emploi que l’on veut coûte que coûte préserver, d’une position à laquelle l’on tient vaille que vaille. Nous avons choisi à l’occasion de la fête du travail de faire immersion dans ce monde où la loi des employeurs a progressivement remplacé le droit du travail…et le droit à la dignité humaine.


Des stagiaires employés à servir le café



Une fois, les études universitaires achevées, il se pose à l’endroit de tous les jeunes l’épineuse problématique du travail, un travail qui dans la majorité des cas passe avant tout par une période de stage en entreprise. Le stage, oui c’est de cela qu’il est question, a eu le mérite de connaître en septembre 2015, après plus d’un demi-siècle d’indépendance une certaine reconnaissance juridique de la part de nos autorités, qui en ont distingué 2 types : le stage-école ouvert aux jeunes et le stage de qualification ou d’expérience professionnelle. Le stage-école est « la convention par laquelle un élève ou un étudiant s’engage, en vue de la validation de son diplôme ou de sa formation professionnelle, à recevoir au sein d’une entreprise une formation pratique » tandis que le stage de qualification ou d’expérience professionnelle est « la convention par laquelle l’entreprise s’engage pour la durée prévue, à donner au stagiaire, une formation pratique lui permettant d’acquérir une qualification ou une expérience professionnelle ». Bien beaux textes qui devraient pouvoir faire bouger les lignes dans certaines entreprises où le stagiaire se doit de monnayer sa quête d’expérience contre un ensemble de corvées. Servir le café aux premiers responsables en est le plus évocateur tant il est coutumier de la part des responsables et même de certains employés embauchés de voir dans le stagiaire le nouveau domestique de la boîte. Christ-Emmanuel nous raconte son expérience : « En obtenant mon premier stage, j’étais vraiment disposé à tout pour qu’on me garde.  C’est ainsi que je prenais plaisir à faire le café de ma patronne, ce que me demandaient aussi ses autres collègues. Mais très vite, j’ai déchanté sur ce mode de vie qui devenait mon quotidien et auquel s’ajoutaient des courses infinies allant de petits services internes à des services externes souvent purement personnels ». 


Les courses, aller acheter ou prendre telle chose, se faire le coursier des repas de midi, se déplacer pour appeler telle ou telle personne alors même que le téléphone pourrait le permettre. Bref, une vie de coursier qui n’excuse pas pour autant les erreurs faites tant dans le domaine professionnel qu’extra-professionnel. L’âge en la matière importe peu. Un stagiaire reste un stagiaire, et les mots pour le lui faire comprendre ne se mâchent point. Propos grossiers, attitudes désinvoltes, rires moqueurs, tâches en surcroît, autant de déshonneur servi au quotidien à celui dont le seul crime est d’être devenu stagiaire de responsables irresponsables. 


Sans expérience, il vaut mieux prier



Sans expérience du monde du travail, la meilleure chose à faire est de prier. Cela peut bien faire rigoler plus d’un de le dire ainsi. Mais comme le dirait l’autre « c’est ça qui est la vérité ». Les entreprises ne veulent plus prendre de risque. L’heure des essais des novices est bien révolue. Il faut de la matière tout faite, des compétences avérées. Le business, ça ne pardonne pas. Ça ne requiert aucune compassion. Expériences et tu es sauvé ! Sans expérience et tu continues de broyer du noir. Voilà ! Les employeurs en ont fait leur credo. Les demandeurs d’emplois n’en sont pas ignorants. Ils le savent. Sans antécédent dans une autre boîte, ils resteront sur le carreau. Avec leur Doctorat, leur Master, leur Maîtrise, leur Licence et leur BTS.


Le moindre stage aujourd’hui requiert au moins 6 mois d’un précédent stage. Les années d’expériences demandées çà et là se comptent en années pour la plupart. N’entre plus qui veut dans le monde professionnel, n’entre que celui qui peut attester d’un vécu professionnel. Et le nombre des chômeurs s’accroît chaque jour. Face à cette volonté délibérée des employeurs de mettre sur la touche des jeunes dotés d’un fort potentiel dont ils ne veulent pourtant pas, il y a lieu de crier tout haut à l’injustice ou plutôt à la discrimination professionnelle voire à la mort des talents de demain. L’expérience n’a-t-elle pas toujours un point de départ ? Pourquoi donc en occulter le début ? Pourquoi sacrifier près de 20 années d’apprentissage ? 


Malgré ce statu quo, beaucoup de jeunes sortis de la fac espèrent un jour que leurs CV sortiront des archives des employeurs pour eux aussi entamer une carrière professionnelle prometteuse.


Des employés embauchés pour oublier leur vie de famille




Décrocher un CDD ou un CDI est une grande joie qui semble ouvrir un avenir beaucoup plus rayonnant. Avec un salaire qui permet quelques folies, on est loin de s’imaginer que la vie professionnelle, génératrice de revenus, peut nous faire perdre de vue l’essentiel, à savoir avoir une vie de famille heureuse et stable, surtout quand on a le malheur de servir dans une boîte égoïste. Entre les heures supplémentaires et le stress, ça devient de plus en plus difficile pour l’employé de joindre les deux bouts, de servir deux maîtres. Et s’il faudrait choisir, pour l’employeur, point n’est besoin de douter. Le travail avant tout, quitte pour l’employé à oublier parfois sa vie de famille. Les 40 heures de travail semblent ne plus suffire à la satisfaction des attentes des employeurs, qui au-delà du droit ont choisi d’en rajouter d’autres, que le jour soit décrété férie, chômé, payé ou pas, que l’on soit au bureau ou hors du bureau. Une course en famille peut se transformer soudain en une solitaire sortie pour Madame dès lors que le téléphone de Monsieur crépite et qu’il a à l’autre bout du fil son patron. D’ailleurs sans ce travail, comment pourrait-il faire face aux charges familiales ? Voilà la mentalité qui conforte les patrons et qui fait régner un climat de peur sur la vie des employés. Le contrat de travail est un contrat consensuel, un contrat entre celui qui a le droit de tout réclamer contre revenu et celui qui a le droit de tout donner à moins de se retrouver au chômage. Point n’est besoin que le droit s’en mêle. Les parties s’en satisfont parfois au prix de leur équilibre familial : des congés réduits, des heures de travail en hausse, une pression en constante évolution, un salaire qui évolue au rythme d’une tortue. Avec l’entrée en CDD ou en CDI, l’employé sait qu’il devra sacrifier une partie de lui, une partie de ses hobbies, une partie ses apartés avec sa femme pour devoir répondre présent aux desiderata de son employeur.


Le droit du travail, un contrat d’adhésion




Le droit du travail s’applique à l’envers dans certaines entreprises en Côte d’Ivoire. Il est loin d’être un contrat consensuel, c’est devenu un contrat d’adhésion où le chômage pousse les demandeurs d’emploi à le ratifier sans un minimum de réflexions. Dans tous les cas, « travail est rare à Abidjan. Si tu as eu pour toi, il faut bien l’attraper ». Entend-on dire. Les règles sont fixées d’avance et ne se discutent pas. Embauché avec une maîtrise, tu peux correspondre à la catégorie d’un titulaire du Bac.


Il suffit d’une petite clause disant que « L’employé s’engage à travailler au-delà des heures régulières … » pour se retrouver pris au piège d’un emploi n’ayant pas d’horaire. L’employé le doit bien à son bienfaiteur. Si d’entre mille, son profil a su se distinguer, ce n’est pas seulement parce qu’il est un cerveau incontournable, c’est aussi parce qu’il révèle en lui les qualités d’un valet, d’un homme prêt à se sacrifier avec majuscule pour le développement de la société. Et ce sacrifice n’est pas que dépendant de ses apports intellectuels, mais aussi et surtout de sa faculté à être un « béni-oui-oui », à se taire devant les injustices, à supporter les coups, à faire avec ce qui est là sans rien « réclamer de plus.


Un silence qui amène de plus en plus d’entreprises à défier le droit au su et au vu de tous. Le droit au syndicalisme ou plutôt la possibilité d’élire un représentant du personnel est exclu ou absent de leur fonctionnement. Les heures supplémentaires sont gratuits ou sous-payées à dessein, le droit au licenciement est devenu un droit discrétionnaire tant les employeurs savent que les employés ne sauraient engager d’actions judiciaires à leur égard. Les primes définies par le droit sont foulées aux pieds de même que les indemnités de licenciement qui sont calculées en « global », les profils de carrière sont inexistants et l’on peut faire plus de 30 ans au même poste avec le même salaire sans que cela ne soit un scandale.


Dans un tel concert d’injustices, la journée du travail devrait retentir comme une journée où chaque employeur doit reconsidérer ses relations avec ses employés afin de leur donner l’occasion enfin de se dire tout haut « Bonne fête du travail ».

 
 
 

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